Deux blasons pour Wellin ?

Note du webmaster:
Bien que le présent site soit consacré à Chanly, il m’a paru intéressant de publier ce texte qui se rapporte à notre commune-pilote dont les relations avec notre village ont été étroites à travers l’Histoire.
Je remercie M.Mme Viviane et Jean-Jacques BARON-DEBART de Sedan (F) qui m’ont  aimablement transmis le fichier JPEG du blason de 1951.

Dans un article de « LA MEUSE-LA LANTERNE » du jeudi 3 février 1977, on pouvait lire: « WELLIN reprend ses armoiries ».

Et de rappeler, en cette occasion, l’arrêté royal du 19 février 1951 portant concession à la commune des armes ci-après:
« Coupé au premier d’argent à un arbre terrassé, à un loup passant, bâté, les deux paniers remplis de pierres, tenant de la patte dextre une crosse posée en barre, posé sur une terrasse, le tout au naturel; au second de sable au navire d’or gréé d’argent, le mât surmonté d’une couronne comtale d’or. »

Le nouveau blason de Wellin

Le premier symbolise l’abbaye de Stavelot dont les prélats portèrent le titre de seigneur tréfoncier de Wellin du 6 juin 746 jusqu’à la fin de l’ancien Régime. Le second porte les armes des de Smackers, derniers seigneurs de Mirwart, seigneurs hautains de Wellin.

Or, quiconque regarde le fronton de l’Hôtel de ville sera étonné d’y voir d’autres armoiries: « d’azur à deux léopards d’argent », celles des « de WELLIN ».

L’ancien blason

Pourquoi ce changement ?

A cette question, il vous était répondu à l’époque que les de Wellin étaient une famille de petite noblesse (chevalier et écuyers), éteinte depuis longtemps.

Mais revenons au nouveau blason. Stavelot d’abord: rien ici de particulier à Wellin, car des dizaines de localités belges et même françaises ayant fait partie de l’immense domaine de l’abbaye pourraient s’en targuer.

Considérons à présent les de Smackers, vieille noblesse, sans aucun doute et Comtes de surcroît ? Pas le moins du monde. L’arrière-grand-père de l’acquéreur du domaine de Mirwart en 1706 s’appelait Théodore Smackart ou Smackers, époux de Hélène Rutten; il était bourgeois et échevin de Vucht, près de Maastricht. Henri Smackers, bourgeois et fonctionnaire enrichi, en reconnaissance de prêts importants et sans intérêt, obtint le 12 février 1706 de l’Empereur Joseph II, des lettres d’anoblissement pour lui et ses descendants, avec mêmes droits et honneurs que ceux nés nobles de quatre générations de père et de mère. Le 19 avril 1706, soit un peu plus de deux mois après, il achetait Mirwart et ses dépendances à la veuve de Charles-François, duc d’Arenberg, vente confirmée le 27 avril 1707 et le 16 août 1707.

Après cet achat, il s’intitula « Baron de Mirwart, Seigneur de Montigny, les Arcis, etc ». Vingt ans après, lui succéda Nicolas Edmond, docteur en droit, écuyer qui, en 1728, et pour les mêmes raisons que son père, obtint du roi d’Espagne Charles VI confirmation des lettres accordées par l’empereur. A noter que Pierre, le frère puîné de Nicolas, entré dans les ordres et connu dans les livres paroissiaux de WeIlin sous le nom de « l’abbé de Mirwart », construisit en 1734 cette très belle maison occupée aujourd’hui par le docteur Baudouin Demblon. Enfin, Jean-Pierre Thomas Edmond, qui avait embrassé la carrière des armes, lieutenant général puis général-major de Sa Majesté Impériale et mort sans hoir en Bohême en 1799, fut le dernier Seigneur de Mirwart. En résumé, bourgeois enrichis et parvenus à de hauts postes, certes, mais de noblesse récente obtenue par l’argent et couronne comtale usurpée.

Et ces « de Wellin » ? Le premier, mentionné en 1104, est Godfroid de WeIlin, que nous trouvons en compagnie d’autres seigneurs vassaux de l’abbaye de Stavelot à une assemblée à Chairière-sur-Semois. Thomas de WeIlin, aïeul de Gérard de Beauraing, fonda en l’église de Wellin en 1199 un anniversaire qui se chantait le 28 novembre.

Le chevalier Baudoin de Wellin est cité vers 1203. Mais le plus célèbre fut sans conteste Gobert, chevalier de WeIlin « in famenna » noté en avril 1235 (1), le 13 novembre ]235 (2), le 16 septembre 1237 (3), le 13 novembre 1238 (4), le 24 juin 1239 (5) et le 1er février 1244 (6).

En général, dans tous ces rapports, les de WeIlin sont pris comme arbitres ou témoins dans des assemblées ayant pour but de régler des conflits entre seigneurs, entre seigneurs et l’abbaye, entre seigneurs et l’évêque de Liège.

On les retrouve encore comme conseillers dans des contrats de mariage: cas d’avril 1235 pour le mariage de Henri de Luxembourg, fils d’Ermesinde, comtesse de Luxembourg et de La Roche avec Marguerite, fille du comte de Bar. Ils apparaissent également comme estimateurs de biens: cas de Lambert, frère de Gobert, choisi en 1245 pour « priser » les biens d’Isabelle, dame de Montjoie, à Dinant et Assesse.

Tous ces faits mettent en évidence la considération dont ils jouissaient en leur temps. Passons sur Michel, Jacquemart, Henrion, Marion, Gérard, Pierard, Marie, épouse de Lambolin Trina, châtelain de Lomprez, Pirchon (obiit 1507), Jean (obiit 1523). Simon, Anceau, Jean-Simon, échevin et maïeur de Wellin en 1527 et 1531 (obiit 2211-1533), dont le fils Jean vendra ses rentes à son oncle Henri Danloy. Nous en arrivons à Englebert de Wellin, dit aussi de Jamblinne, échevin en 1570 et maïeur en 1582 et Elisabeth de Wellin, qui épousa Gérard de Bande, dont les enfants sont qualifiés de « représentants de Simon de Wellin » et dont la dernière descendante, Julia, est décédée en 1983. Le nom patronymique « de Wellin » s’est donc perpétué en ce lieu jusqu’à la fin du XVIeme siècle et s’est éteint faute d’héritiers mâles ou à la suite de revers de fortune. Des alliances ont dispersé les biens, mais les racines se maintiennent, comme on l’a vu, par les de Bande et aussi par les de Masbourg. Gobert et Lambert de Wellin touchaient en 1244 la moitié de la dîme de Masbourg et Englebert de Wellin et de Jamblinne, cité plus haut, était beau-fils de Jean de Masbourg. Ces deux familles alliées ont donné quelques maïeurs, échevins et notaires au XVIe ainsi qu’au XVIIème siècle.

En résumé, petite noblesse, soit, mais considérée et, à n’en pas douter, très ancienne et vraiment du terroir. Descendants probables de ces premiers maîtres de l’endroit, comme ce Wigfridus, ministeralis de Lothaire, aux mains de qui se trouvait Wellin en 862 «…avec 62 manses plus l’église plus un manse seigneurial…» (diplôme du 13 avril 862, Abbaye de Stavelot). De plus, ils occupaient la maison forte, démolie au début du XVIIIème siècle dont les fouilles, entreprises par M. Maurice Evrard ont révélé les fondations et le fossé de défense.

Dans cette maison, les de Masbourg succédèrent aux de Wellin dès le début du XVIème siècle. Le 4 février 1708, François Vonêche fit relief de l’emplacement de l’ancienne maison forte avec jardin, proche du cimetière de l’église de Wellin, appartenant autrefois à la famille de Masbourg, démembrée par Jean de Masbourg, le 8 juillet 1608. (Arch. de Mirwart).

Pour terminer, il faut signaler que la maison de Wellin fournit les premiers seigneurs de Daverdisse qui avaient pour armes « d’azur à deux léopards d’or », soit une branche puînée, aux armes brisées (émaux changés). De même à Lavaux: « cette troisième fille de Monsieur Raes de Warfusée fut mariée à Monsieur Jacques de La Vaux qui portait les armes de Wellin, d’azur à deux léopards, dont elle eut plusieurs enfants; l’aîné s’appelait Jean et fut le père de Thibaut de La Vaux » (vers 1200, Miroirs des Nobles de Hesbaye de Hemricourt). Ce Jacques de La Vaux construisit la première tour de défense, origine du futur château, A Ave, la famille du Mont portait les armes de Wellin et était donc de la même souche que les seigneurs de La Vaux du XIIIème siècle (A.S.A.N. Eugène Némery).

Egalement à Crupet: en 1290, Henri, chevalier de Wellin, seigneur de Crupet, Grune et Masbourg. La branche s’est éteinte en 1498 avec la mort de Thomas de Wellin. Sa veuve, Jeanne de Roschelée céda ses biens à Gilles de Loge. Enfin, on trouve «Jean de Wellin, homme féodal du château d’Orchimont à Neufmanil et Nouvion-sur-Meuse».

L’abbé Roland dans «Orchimont et ses Fiefs» ne fait pas moins de treize fois allusion à cette famille. Les détracteurs de Tandel (les Communes Luxembourgeoises) estiment qu’il n’est guère possible que ces de Wellin fassent partie de la même famille, vu l’éloignement. Il est, bien sûr, difficile de trancher. Mais il faudrait cependant se souvenir que, déjà à cette lointaine époque, voyages et échanges se faisaient entre régions fort distantes les unes des autres: l’abbaye de Stavelot n’avait-elle pas trois ports sur la Loire?

On laissera aux Wellinois de vieille souche de juger de l’opportunité du choix de ces nouvelles armoiries… et de regretter les anciennes. Mais au fait, ne serait-il pas possible de faire annuler l’arrêté de 1951 et de le remplacer par un autre nous concédant nos vraies armoiries ? A vous maïeur et échevins, de sonner à la bonne porte pour que cesse cette ambiguïté vieille de quarante ans.

Lucien VAN NIEUWENHOVE-REMY

Paru dans « Wellin 1891 », plaquette (aujourd’hui épuisée)
éditée à l’occasion des célébrations du centenaire de la maison communale de Wellin en 1991.

(Publié dans nos pages avec l’aimable autorisation de l’ayant-droits de l’auteur)

A TITRE DOCUMENTAIRE :

Blason des de BANDE: « de gueule à une force renversée d’argent accompagnée de trois quarte feuilles de même boutonnées d’or»
Blason des de MASBOURG: « d’azur au chef d’argent chargé de trois merlettes rangées en fasces»

REFERENCES :

Renvois dans le texte:
(I) Cartulaire de l’église de St-Lambert.
(2) Histoire du Duché deLuxembourg – Bertholet,
(3) Cartulaire de l’église de St-Hubert,
(4) Cartulaire de l’église de St-Hubert,
(5) Cartulaire du Comté de Rethel,
(6) Cartulaire de l’église de St-Hubert

Ouvrages:

Abbaye et Principauté de Stavelot-Malmédy (François Baix), Orchimont et ses fiefs (CG. Roland), Les Communes Luxembourgeoises VIB (E. Tandel), Masbourg (p. Cugnon), Annales Société Archéologiques Namur (E. Némery)

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