La paume chanlynoise

 

 La balle au tamis

Il n’y eu que peu d’associations sportives à Chanly, mais cela ne veut pas dire qu’on n’y est pas sportif. Cette situation fit le bonheur des villages voisins qui recrutaient chez nous des jeunes gens pour leurs équipes.

Cependant, les anciens parlent qu’avant la guerre de 1940, on jouait à Chanly, un jeu appelé la balle au tamis.

Robert Marchal né en 1926 à Ave et habitant Resteigne se souvient : « Mon père y jouait avant la guerre, mais pas à Chanly. Ce jeu ressemblait très fort à la balle pelote, mais il se jouait avec une balle plus petite. Il pouvait se pratiquer en prairie. Pour livrer, le joueur avait un tamis qui était une surface circulaire d’environ 40 cm de diamètre garnie d’un treillis spécial. Le livreur pouvait l’orienter à sa guise. Il devait y faire rebondir la balle avant de la frapper à main nue. Dans le jeu, les joueurs avaient un gant en corne très dure. Le comptage des points se faisait comme à la balle pelote. Le terrain utilisé était pour ainsi dire aussi le même. Ce jeu disparut à la guerre et fut remplacé par la balle pelote ».

Une balle en plastique et une autre avec du sable
Gant devant peser entre 200 et 220 gr

 Les débuts de la balle pelote

Après la guerre, beaucoup de villages fondèrent un club de football. Chanly en eut peut être l’idée. En effet, une équipe qui ne sera jamais officielle, joua quelques matchs sur un terrain qui appartenait au Séminaire et était situé sur la route de Mirwart. Les jeunes du village s’entraînaient d’ailleurs avec les séminaristes. Ce ne fut qu’un projet et un feu de paille.
Il suffit bien souvent d’un fait anodin pour déclencher une mobilisation enthousiaste. C’est ainsi que démarra la Pelote ou la Paume Chanlynoise.

Ce jeu de balle pelote était bien représenté alentours, mais plus on allait vers l’Ardenne et moins ce sport était pratiqué. Ce serait cependant du village d’Haut-Fays que ce jeu arriva chez nous. Léopold Giart, fervent joueur originaire de ce village, vint « courtiser » Jeanine Chardome à Chanly. Et voilà comment l’aventure commença, Raymond Lefebvre, Emile et Joseph Gauthier, Camille Jacques et Jules Durigneux furent « des ouvriers » de la première heure.

Après quelques essais, rencontres, discussions, on s’organisa et une société fut fondée quelques années après la guerre puisque Robert Marchal y joua de 1948 à 1952, donc pour ainsi dire à sa création.

Témoignage de Robert Marchal.

« J’avais joué à Ave et à Eprave et je courtisais à Resteigne. C’est ainsi que je me suis retrouvé à Chanly. Il n’y avait pas de limites d’âge pour ce sport bien que les assurances en imposaient, mais comme on ne les faisait jamais marcher, on laissait jouer de très jeunes joueurs. J’ai commencé avec les 4 frères Lefebvre de Chanly, et René Bougelet d’Auffe notamment. Léopold Giart était joueur entraîneur et je pense bien que le boucher Leclère était président. Comme équipement on avait bien sûr un gant et une tunique de couleur. Pour ce qui était du pantalon on mettait ce qu’on voulait. On se changeait au café Mouton (du Téléphone). Le terrain était sur la place près du canal. Il fallait acheter une grosse de balles, c’est-à-dire 12 x 12 (144 balles). Elles venaient de Braine le Comte. Je me souviens que pendant la guerre à Ave, on les payait avec du lard que nous fournissait un fermier. Cette initiative était assez courante à cette époque. C’est ainsi qu’Arsène Vaillant avec son équipe de football du White Star, était venu jouer un match amical à Han (pour du lard et peut-être pour du beurre ?) Pour ce qui étaient des déplacements, on les faisait dans la camionnette Peugeot de Léopold Giart ou à vélo. Gembes avait alors une très bonne équipe. Les luttes pouvaient durer 3 heures. On discutait parfois longuement pour gagner 15 cm à une chasse, mais après le match on buvait un verre tous ensemble. Je me souviens que les gamins à l’époque se seraient disputés pour marquer les chasses. Ils recevaient une petite dringuelle et c’est ainsi que ces jeunes commençaient à jouer. J’ai arrêté de jouer en 1952, quand je me suis marié, il faut bien faire des choix. Je ne suis que rarement retourné voir un match, cela m’énervait ».

Robert Marchal Léopold Giart et René Bougelet ? Jean Marchal et Emile Gauthier
Devant la forge Henrot : Willy Dambly, Camille et Francis Lefebvre, Albert Martin et Guy Jeanjot

Petite parenthèse officielle.

Rapidement, Chanly allait faire partie d’un championnat très organisé. Grâce à Jean Renault qui fut secrétaire de l’association et qui épousa Josette Chardome (sœur à Jeanine), il reste quelques documents officiels de ces débuts. Il semble cependant que ces papiers mentionnent plusieurs décisions qui ne furent pas toujours appliquées.

La nouvelle société fera partie de la ligue de Dinant, entente régionale de Rochefort et aura le matricule 1307. Voici quelques références officielles qui ne sont pas nécessairement fidèles à la réalité.

Saison 1959-60

Voici le comité de cette saison :
Président : Raymond Lefebvre de Chanly
Secrétaire : Jean Renault de Chanly
Trésorier : Louis Davreux d’Halma
Le local est le café du Téléphone et le ballodrome est sur la place communale

La même année, une circulaire de la fédération incite les clubs à créer une équipe de juniors. Ceux qui le feront recevront des subsides importants. Chanly adhère et recrute les jeunes joueurs suivants : Degeye Jacques et Jean, Martin Claude et Luc, Albert Marcel et Damilot Gérard de Chanly. C’est Paul Lefebvre (joueur de l’équipe première) qui les entrainent les mercredis et vendredis de 17 à 19 h. Cette équipe ne jouera pas pendant les périodes d’examens scolaires. On incite fortement ces jeunes à passer un examen médico-sportif. Selon mes renseignements, cette équipe ne jouera jamais officiellement

Saison 1960-61

Secrétaire : Raymond Lefebvre
Joueurs de l’équipe première : Lefebvre Camille et Paul, Martin Albert, Dambly Michel et Willy, Degeye Jacques, tous de Chanly.

Saison 1961-62

Président : Louis Davreux de Halma
Secrétaire : Jean Renault de Chanly
Trésorier : Raymond Lefebvre de Chanly
Le local de référence est toujours le café du Téléphone, rue de Wellin à Chanly
Joueurs inscrits au 17 janvier 1962 : Lefebvre Camille et Paul, Jeangot Guy, Renault Jean, Laurent Paul, Degeye Jacques et Jean, Martin Albert, Albert Marcel, Louis Marchal et Dambly Michel et Willy de Chanly.
Il y a aussi Lefebvre Francis de Bruxelles, Simon Maurice de Wellin et Paquot Moise de Ciergnon.
Pressentis : Martin Luc, Liban Yvon et Didriche Freddy
Le terrain est sur la place communale et comme l’année précédente, Chanly a gagné le championnat, il évolue en division I B avec Anhée, Bioul, Crupet, Rochefort, Géronsart, Haut-le-Wastia, Jemelle, Frasnes, On.

Saison 1962-63

Chanly évolue notamment contre Rochefort, Géronsart, Nismes, Haut-le Wastia, Morville, Anhée, Crupet, Jemelle.

Les témoignages.

Faute de documents, voici plusieurs témoignages qui vont nous permettre de connaître l’évolution de la Pelote Chanlynoise
Les renseignements officiels s’arrêtent en 1963, mais il est certain que la Société connut encore plusieurs belles années avant de disparaître lentement ne disputant plus pour finir que quelques matchs amicaux ou de kermesse. La société fut dissoute peu avant 1970.
Comme dans beaucoup de club, ce sont souvent une ou deux familles qui tiennent l’ensemble. Parmi celles-ci, on pense à la famille Giard, Renault et surtout Lefebvre. Il y avait le papa et 4 fils qui ne ménageaient pas leurs efforts pour soutenir le club.

Témoignage de Francis Lefebvre, né en 1937 qui habite Resteigne actuellement :

« Je jouais (gaucher) au football à Tellin puis je suis venu à la pelote à Chanly où évoluaient déjà trois de mes frères, Camille, Paul et Robert. Il y avait aussi Robert Marchal, Verplast qui fut bourgmestre d’Halma, Guy Jeanjot qui sera bourgmestre de Tellin, René Bougelet d’Ave, Michel Jadot de Resteigne, Willy Dambly de Wavreille, le grand Moise de Vignée, les Lamette d’Eprave, Robert Georges ( ?), Albert Martin, Florent Henrot, Louis Marchal, Léopold Giart, Jules Durigneux, Camille Jacques, Emile Gauthier, Paul Laurent, Jacques et Willy Deravet, Paul Laurent. J’en oublie certainement.
Nous nous entraînions les soirs parfois jusque 10 h au mois de mai, mais le curé venait à la Vierge et nous étions obligés d’arrêter. Les vieux du village venaient nous voir et quand nous avions fini, nous écoutions leurs histoires. Ils étaient sur un banc le long du mur de la Boverie. C’était convivial et cela soudait le village.
Au début, nous jouions contre des équipes voisines : Bure, Haut-Fays (2 équipes), Resteigne, Eprave, Ciergnon.
Nous allions en déplacement avec un camion de la brasserie Destoky de Resteigne. On mettait des bancs derrière. Le retour n’était jamais triste malgré le résultat parfois douloureux. On partait aussi en vélo.
Nous avons joué sur plusieurs terrains
–    Près de la Forge
–    Rue de la Boverie, bas de la rue avant la maison de Léon Grégoire
–    Près de chez Alphonse Jacquemin (rue de la Boverie).
–    Place du monument
A certains endroits, il fallait mettre du grillage aux fenêtres.

Ciergnon contre le mur Camille et Francis Lefebvre, Roger Lamotte Paul Lefebvre et Albert Martin
Lors de la fête au village Emile Gauthier (comitard), Francis Lefebvre et Willy Dambly (joueurs), Emile Georges et son fils Joseph (supporters) Albert Martin, Camille et Paul Lefebvre (joueurs).

Le local changea au moins 3 fois et j’ai connu :
–    Café de la Jeunesse chez Giart (juste après l’école des filles)
–    Chez Mouton (Arnould), café du Téléphone au pied de la rue du Luxembourg
–    Chez Lehnen puis Delvenne (près du pont).

On ne jouait pas en hiver. Le championnat allait d’avril à août, ensuite on jouait des tournois. Tout cela demandait une certaine organisation. Pour ce qui était du matériel et de l’équipement, voici quelques points importants :
–    Raymond Lefebvre, mon père, était l’homme du matériel. Il entretenait, marquait le terrain et avait l’œil à tout (balles, tableau d’affichage, plaques pour indiquer les chasses).
–    Au début, on avait des balles en cuir rempli de sable puis ensuite elles furent en plastique. Les premières, il en fallait bien 30 par lutte alors que les autres on faisait avec 2.
–    On mettait un gant entier ou coupé. Pour la balle et pour le gant, il y avait un poids à respecter. Alors quand on jouait deux jours de suite, le gant était mouillé et il fallait faire attention car l’arbitre était au courant. Les clubs devaient avoir une balance.
–    On avait une corde pour mesurer quand il y avait des discussions. On payait un gamin pour marquer à la craie l’endroit des chasses.

Je jouais dans 4 équipes à la fois : Chanly, Gendarmerie à Bruxelles et deux équipes de la capitale. Un mois de mai, j’ai fait 30 luttes. Je pense que Chanly arrêta dans les années 70. Comme j’aimais cela, je continuai à jouer à la gendarmerie. Ceci me permit de côtoyer des joueurs de très haut niveau. Ensuite je suis devenu arbitre bien coté affilié au club d’Eprave en 1986. Ancien joueur, je connaissais les astuces. Je mettais mon paraphe sur la balle pour ne pas qu’on la change. Ce jeu fut une grande partie de mes loisirs pendant de nombreuses années et j’en garde la nostalgie car c’était « mes belles années ».

Lutte à Custinne avec Hubert Goderniaux et Robert Marchal

 

Témoignages de Camille Lefebvre et de son épouse Gisèle Istace de Chanly.    

Camille Lefebvre et son épouse Gisèle étaient aussi des fervents de la petite balle. Gisèle nous explique :
« Je m’occupais des maillots qui étaient de couleur bleu avec un grand V blanc sur le devant. Ensuite, ils ont joué avec des tuniques orange. C’était une affaire et je suivais les luttes au village et aussi en déplacement. Cela mettait de l’animation au village. On encourageait ses joueurs mais le match fini, c’était la fête tous ensemble »

Camille ajoute :
«  Il y avait des spectateurs à Chanly. Les gamins et même les fillettes se battaient pour marquer les chasses car ils recevaient 20 francs. Cela nous aurait bien arrangé d’avoir un arbitre officiel au club, mais on n’en eut jamais.
Je me souviens des déplacements, c’était inoubliable. Quelle ambiance ? Léopold Giart avait une camionnette et ce fut ainsi que l’on a fait les premiers déplacements. Après ce fut avec Destoky puis ce fut en vélo, moto, auto.
Certaines rencontres n’étaient pas tristes. On faisait parfois des dégâts, c’est ainsi qu’à. Bertrix et à Jemelle, les responsables mettaient du treillis à certains endroits car on cassait les carreaux avec les balles.
C’est vrai qu’on a joué sur 4 terrains différents. Une année que l’on faisait des travaux au village, on est même allé jouer chez le Pères au séminaire.

Pour ce qui est du jeu, il y avait le Mouchai (le petit mitan), le grand Mitan et les deux Passis (cordiers). On avait droit à deux réserves mais on ne s’en servait jamais. Les anciens joueurs qui avaient encore joué à la balle au tamis à Resteigne ou à Chanly, avaient gardé une façon caractéristique de frapper la balle. On les appelait les « tachleux ». Je pense notamment à Emile Georges de Resteigne.
A la fin, malgré qu’il ne fallait que 5 joueurs, on avait difficile à en avoir car beaucoup d’autres attractions concurrençaient la Pelote. On eut quelques jeunes joueurs comme Luc Martin, Claude Martin, etc. Mais cela ne suffisait pas et la volonté de poursuivre n’y était plus Le club s’arrêta vers 1968. En effet, j’ai repris le café près du pont en 1974 et la balle n’existait plus depuis quelques années. Je suis alors allé jouer à Rochefort et Ciergnon »

Tout cela a disparu comme beaucoup d’autres choses dans le village. C’est dommage dit Paul Laurent, car c’était une belle occupation chaque dimanche à la bonne saison. On a refait un match un jour de kermesse contre une équipe de Rochefort et on a perdu 8 à 1.

Nous attendons des réactions, anecdotes, photos, etc. N’hésitez pas à nous contacter

Merci à Gisèle Istace, Camille et Francis Lefebvre, Robert Marchal, Jean Renault et Paul Laurent pour leurs renseignements et photos.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *