La minéralogie à Chanly

Des recherches de cuivre et de plomb à Chanly et Halma
par Michel Blondieau (avec l’aimable autorisation de l’auteur).

Note du webmaster :

Le texte est extrait d’un ouvrage réalisé par Monsieur BLONDIEAU en 1997 et publié sous le nom : « Recherches minières, mines et carrières de Famenne ». 
les illustrations présentes sur cette page ont été mises à notre disposition par l’auteur. Elles sont sa propriété personnelle et ne peuvent être utilisées sans son autorisation expresse.
le lecteur ne devra pas s’étonner de voir souvent figurer le nom d’Halma dans le chapitre consacré à l’historique des recherches minières. En effet, à l’époque où ces explorations ont été entreprises, Chanly et Halma ne formaient (et jusqu’en 1899) qu’une seule et même commune .

Localisation et accès

A « vol d’oiseau » par rapport à Wellin, Chanly se trouve à 3 km à l’est et Halma à 2 km au sud-est.

Plan de localisation des filons de Chanly et d’Halma.  (D’après le plan de demande en concession de la Société des Ardennes Belges introduit en 1854)

Les anciens documents mentionnent un grand nombre de filons. Aujourd’hui, on ne retrouve que très peu de choses de tous ces travaux.

Une partie des déblais a servi d’enrochement pour la route actuelle Chanly-Halma. Le reste des déblais a sans doute été étendu et recouvert d’herbe. Aujourd’hui, on ne retrouve que très peu de blocs minéralisés sauf en parcourant les champs après les labours. Attention, il faut respecter les cultures !


Historique des travaux

  • 1762 : Moors, un prospecteur envoyé par Charles de Lorraine signale la mine dans un rapport : « …Mine de cuivre mêlée de plomb, située en village de Chanlis… »
  • Avant 1830 : La Société du Luxembourg fait des travaux assez considérables dans ces localités mais les abandonne sans former de demande en concession.
  • 28-01-1854 : La Société des Ardennes Belges (Léon de Pariente et Adolphe-Marie Neubourg Tercelin) demandent en concession 3691 hectares pour cuivre, plomb, zinc et pyrite. Ils construisent, au niveau de la Lesse, une galerie de 20 mètres, près du pont de Chanly. Celle-ci devait recouper un filon fouillé plus à l’ouest. Sur les hauteurs dites de « Ety », ils creusent un bure de 20 mètres communiquant à un bure d’aérage de 13 mètres. Deux galeries, de 8 et 10 mètres sont dirigées dans le gîte de part et d’autre du bure.Ils construisent, au niveau de la route de Chanly à Halma, sur la commune de Halma, une galerie de 31 mètres. Elle devait aboutir 250 mètres plus loin sur les recherches faites sur les hauteurs de « Ety ».
  • 28-06-1854 : Willmacher de Bruxelles introduit une demande en concession sur les communes de Wellin et Halma, en concurrence avec la Société des Ardennes Belges. Ils creusent un bure de 16 mètres, suivi d’une galerie de 12 mètres, à l’ouest d’Halma. Ils creusent un bure de 16 mètres situé sur la commune de Halma, en recherche du filon déjà chassé par bure et galeries sur les hauteurs de « Ety » par la Société des Ardennes Belges.
  • 04-12-1860 : Les deux demandes en concessions sont rejetées.

Témoins actuels de ces travaux

  • Des travaux de recherches effectués dans cette première moitié du 19ième siècle à Chanly et Halma, il ne reste guère que quelques puits. On en voit deux, côte-à- côte, dans une prairie à Halma, à quelques dizaines de mètres de la limite communale avec Chanly.
    = Le plus grand est aujourd’hui envahi par les ronces et rempli d’eau. (Petit carré sur le plan de localisation).
    = Juste à côté, le second, de plus petite dimension, est bouché par une plaque métallique. Il s’agit sans doute du « bure » de 20 mètres et du « bure d’aérage » de 13 mètres effectués par la Société des Ardennes belges. – Un autre puits se trouve à flanc de coteau dans une prairie à environ 50 mètres de la route de Halma à Neupont (Voir plan de localisation).
    Aujourd’hui, c’est un trou assez peu visible qui incline assez fortement vers le Sud. Dans un caillou que j’ai détaché près de l’orifice, j’ai trouvé un peu de chalcopyrite (le minerai de cuivre recherché). Il s’agit sans doute du bure de 16 mètres réalisé par Willmacher. Dans la pâture, la butte herbeuse près de l’orifice contient certainement les matériaux extraits de ce puits. Environ 50 mètres au Nord, juste le long de la route, un renfoncement dans le talus témoigne de fouilles anciennes. On peut y trouver un peu de chalcopyrite et de malachite dans une gangue essentiellement calcaire.
  • Aux alentours des deux puits clôturés, il est encore possible de ramasser ci et là, sur l’alignement du filon minéralisé en cuivre seulement, des fragments de quartz et quartzite cuprifère.
  • A Chanly, en contrebas de la route nationale, seules quelques traces de malachite et galène peuvent encore témoigner de l’existence du filon Pb-Cu qui coupe la route nationale. Sans doute a-t-on utilisé les matériaux extraits de ce filon lors de la construction de la grand-route au cours de la deuxième moitié du 19ième siècle. L’amorce de la galerie de 31 mètres effectuée par la « Société des Ardennes Belges » devait sans doute se trouver non loin de ces quelques indices. Malgré de longues recherches sur les lieux, je n’ai jamais réussi à la localiser. Les fouilles effectuées sur les autres filons mentionnés sur les cartes de demande en concession n’ont laissé, sans doute, aucunes traces .
Des puits subsistent dans un champ…
Un puits de mine à Chanly

La description du gisement

  • Les échantillons de minerai à gangue quartzeuse récoltés sont inclus dans les calcschistes couviniens.
  • Dans un rapport daté du 13 Juin 1860, voici ce qu’en dit l’ingénieur Poncelet : « …Les minerais, toujours en petites parties, affectent la forme d’injections dans les roches encaissantes ou constituant la gangue, et en pellicules sur les parois des joints. »
  • D’après mes observations sur le terrain, on peut signaler une minéralogie variée (Plus de vingt minéraux différents) mais extrêmement dispersée dans une gangue quartzeuse. En fait, il n’est pas possible de trouver des masses quelque peu importantes de minerai. Il en a sans doute toujours été ainsi, même à l’époque des travaux de recherches. Peut-être, la Société du Luxembourg l’avait-elle déjà bien compris dès avant 1830 puisqu’elle n’a jamais introduit de demande en concession.
  • En regardant l’orientation des filons repris sur la carte de demande en concession, on met en évidence au moins deux failles minéralisées orientées SW-NE. Les trois « filons » de cuivre sont bien alignés sur cette faille. Ces trois filons ne doivent être en fait que des parties plus riches d’un même filon dont les minéralisations sont espacées par de longues étreintes…, comme c’est trop souvent le cas en Famenne !

Description de la minéralogie

A. MINERAUX ABONDANTS

CHALCOPYRITE : C’était le minerai recherché. Il se présente à l’état diffus en petites « mouches » millimétriques dans une brèche filonienne de nature siliceuse et d’une résistance étonnante. Les petites masses, même inférieures à la taille d’une noisette sont rares et très souvent constituées de petites parties saines isolées les unes des autres par des micro-veinules de goethite.


MALACHITE : Comme la chalcopyrite dont elle provient par oxydation et à laquelle elle reste souvent associée, elle se trouve en petites parties extrêmement divisées. On la trouve sous trois formes : en enduits verts pluricentimétriques, en petites concrétions millimétriques et le plus souvent en petites gerbes de cristaux qui, dans les meilleurs cas couvrent des plages centimétriques. Ces cristaux, de petite dimension, de l’ordre de 0,2 millimètre sont très souvent terminés.

Malachite

QUARTZ : C’est le minéral de gangue. Souvent, des cristaux le plus souvent millimétriques, jusqu’à 5 mm parfois, couvrent les contours arrondis des fragments de brèche caverneuse très siliceuse. Les cristaux sont habituellement incolores mais peuvent également être colorés en jaune-brun, sans doute par des oxydes de fer.


B. MINERAUX FREQUENTS

CERUSITE : Elle se trouve en petits cristaux blancs à gris autour de la galène ou dans des petites cavités des échantillons riches en galène fortement altérée.


GALENE : Le plus souvent, on la trouve en petites plages millimétriques, parfois centimétriques dans les brèches quartzeuses. Occasionnellement, on trouve des cristaux cubiques (jusqu’à 5 mm) posés à l’intérieur de quelques micro-géodes.


GOETHITE : Ce minéral d’oxydation se présente en veinules plus ou moins importantes dans la chalcopyrite. Celles-ci s’élargissent de plus et finissent par remplacer d’ailleurs presque toute la chalcopyrite après une oxydation poussée. Le cuivre, sans doute plus soluble est mobilisé et s’exprime ensuite sous forme de malachite. En place, il ne reste donc plus que des oxydes de fer.


KAOLINITE : Le minéral se présente sous la forme d’inclusions pulvérulentes blanches dans le quartz. L’observation à fort grossissement révèle des paillettes micacées blanches. Celles-ci sont d’ailleurs parfois bien visibles lorsqu’elles saupoudrent des cristaux de quartz dans les micro-géodes.


C. MINERAUX PEU FREQUENTS

AZURITE : Elle se présente très souvent comme enduit microcristallin d’un beau bleu intense couvrant parfois des surfaces de plusieurs dizaines de centimètres carrés. Les cristaux sont malheureusement rares, souvent imparfaitement formés dans les microfissures et le plus souvent de très petite taille (1mm au maximum). Très souvent le minéral s’est formé dans des joints ou des zones clivées où la percolation des solutions minéralisées a été possible. C’est sans doute un des derniers minéraux à s’être déposé. Il est en tout cas postérieur à la malachite qui, contrairement à l’azurite, occupe les nombreuses cavités du quartz. On trouve parfois aussi des cristaux mal formés d’azurite sur la malachite.

Azurite

ANGLESITE (?)


BORNITE : Elle a été signalée par Forir mais je ne l’ai jamais retrouvée. Chaque fois que je l’ai soupçonnée, il ne s’agissait, en fait, que d’irisations multicolores sur chalcopyrite.


BROCHANTITE (?)


CALCITE : La calcite n’est pas un minéral fréquent à Chanly. Elle est le plus souvent associée à la sidérite et aux minerais de fer oxydés.


CHALCOSINE (?)


COVELLINE : Autour de noyaux « rectangulaires » de galène fortement altérée (surtout en cérusite), on observe parfois des pellicules de couleur bleu-indigo pouvant atteindre parfois près d’un millimètre d’épaisseur. Exceptionnellement, on peut même déceler des petits cristaux hexagonaux. La présence de ce minéral riche en cuivre autour de galène, minerai de plomb, peut étonner mais dans la région, la chalcopyrite en trace est souvent fréquente dans les galènes. Très souvent d’ailleurs, la galène s’est développée sur des « germes » de chalcopyrite.


CUPRITE : Elle se trouve en très petites plages rouges dans les échantillons caverneux riches en hydroxydes de fer. Elle est très souvent associée à la chalcopyrite et à la malachite. Celle-ci se dépose d’ailleurs assez régulièrement autour des petits noyaux de cuprite.

Cuprite

CUIVRE NATIF : Avec son éclat rouge métallique très caractéristique, ce minéral se reconnaît aisément. On le trouve en minuscules plages toujours associé à la cuprite.


GYPSE : Parfois, quelques petits cristaux incolores sont visibles sur des plages minéralisées en voie d’oxydation. On trouve aussi, mais très rarement des fibres de quelques millimètres colorées en vert et s’enroulant en « crosse ». Celles-ci présentent l’aspect « soyeux » classique propre à ces formations.


LINARITE : C’est peut-être le minéral le plus rare de ce site. On le connaît en petits cristaux bleus d’allure prismatique.


MARCASSITE : Bien que le minéral soit très fréquent dans la région, il n’est représenté à Chanly que sous la forme de rares petits cristaux millimétriques très oxydés.


OXYDES DE MANGANESE : Comme c’est le cas dans les autres indices minéralisés de la région, les oxydes de manganèse , ont l’aspect de minces feuillets violacés avec parfois des reflets métalliques. Ces minéraux sont toujours associés aux oxydes et hydroxydes de fer.


PYRITE : Pouvant atteindre plus de 5 mm d’arêtes, les cristaux, légèrement oxydés en surface adoptent le plus souvent une forme intermédiaire entre le cube et le cubooctaèdre.


PYROMORPHITE (?) Les cristaux sont très très petits et de couleur verte tendant vers le brun. Ils sont toujours posés sur un matériau rouge friable d’aspect terreux.(oxydes de fer et de plomb)


ROSASITE (?) Une fois, j’ai trouvé des petites sphérules bleu-pâle ressemblant très fort au minéral trouvé à Ambly; ce dernier s’étant révélé être de la rosasite à l’analyse.


SIDERITE : Toujours associée à la calcite, elle se présente en petites masses très souvent transformées en limonite (Mélange d’oxydes et hydroxydes de fer). Les cristaux non altérés sont rares et de très petite dimension.


Par ailleurs, le MINERAI DE FER a été extrait à Chanly, notamment à l’entrée du village en venant de Resteigne, à quelques centaines de mètres derrière le nouveau hangar de la ferme, côté gauche de la route.


Bibliographie

FORIR H., Carte géologique de la Belgique, n°194, Pondrôme-Wellin,
Institut cartographique militaire, 1897
FORIR H. « Chalcopyrite, malachite et azurite à Chanly »
Ann.Soc.géol.belg. 1896 – 24, XXVIII.
VAN DER MEERSCHE E. : Mineralcolor, Minéraux de Belgique. Gent (Frank
Baurstraat, 11), 1995, pp. 9 à 16.
VAN DE ROY J-L « Lomprez, Chanly, Halma, Resteigne » Collection « Les
mines et les recherches minières en Famenne » Liège – 1985.

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